L'art de tisser le vivant

La joie au coeur, la nature en vibrato et le vivant comme exploration artistique.

Par: Aurélie ROUTHIER

Il y a ceux qui font du feu de tout bois et il y a celle qui fait art de toutes joies . A commencer par celles que lui procure au quotidien la puissante nature de son refuge insulaire, l'île-d'Yeu. De la poésie des marées aux rêveries sous des ciels changeants, Marie Bathellier artiste-plasticienne française, capture et explore chaque éclat du vivant. Ses pleins comme ses vides, ses jours comme ses nuits. Pigments,  argile, sable, eaux de mer et de pluie : autant d’éléments naturels qui composent et caractérisent de manière aussi instinctive que maîtrisée les œuvres plurielles et sensorielles.

Celle qui déclare s’emparer “de tout ce qui saute aux yeux et au coeur” s’est (é)prise avec enchantement dans les fils tendus de Saudade. Comme un pont artistique hissé au-dessus de deux rivages de l’Atlantique.

Un mot qui te définit ?

L'élan ! C'est la vie, le désir, c'est l'action. L'élan ça vient de soi pour aller vers les autres, vers le monde. C'est fait de points d'appui, de sauts et d'enjambées. Dans l'élan palpitent la joie et liberté.

La nature est pour toi un terrain de jeu autant qu’un terreau d’inspiration et de respiration. Elle semble ne jamais cesser de te bouleverser ?

J'ai passé mon enfance dans un moulin à eau en Bretagne dans le golfe du Morbihan, entre l'eau. Le goût de mon enfance est constitué de ciels hauts, d’ arbres, d’ espace fleuri, de ruisseaux et cascade…  La nature est une source d’enchantement et d’apaisement immédiat. La puissance du paysage m’aimante : les montagnes avec ses lignes de crêtes, ses éboulis de blocs de roches, ses compositions minérales. Quand j’aime un paysage, j’y plonge la main et collecte une partie de son corps : argile, calcaire, bois brûlé…

En dehors de ce qui se passe sous tes yeux, qu’est ce qui te passionne et contamine ton œuvre?

Je suis une enthousiaste du beau, jamais rassasiée. Mes inspirations sont multiples. Artistiquement parlant, j’aime beaucoup les œuvres sculpturales et architecturales :  le travail  espace - volume - matériau.

De nombreux artistes m'accompagnent au quotidien: Luis Barragan, architecte mexicain qui manie la couleur de manière extraordinaire. Geneviève Asse, peintre de la lumière et du bleu ciel. Bonard et son traitement unique du soleil. Sonia Delaunay et son agitation spirituelle et colorée. Tal Coat, peintre breton amoureux de la matière et de la vie...

Que nous racontent tes créations ? 

La nécessité de la liberté et le goût de la différence. Un amour vibrant et vivant de la vie. Je vois mes créations comme un antidote à la frénésie d'un monde hors sol qui perd la tête. On a besoin de répit et d’ énergie pour l’ action et la récupération. L’ art sous tant de formes est essentiel.

On a chez toi, au milieu de tes œuvres, un sentiment d’apesanteur et de temps suspendu, quel rapport as-tu avec le temps ? 

J'ai la chance de pouvoir le prendre, ce temps. J'aime à goûter son épaisseur. La suspension fait partie de mes process de création : prendre le temps de l'émerveillement, de la diffusion de la beauté, des émotions, l'attention portée à la naissance des process guidée par la nature. Je laisse également souvent en suspens une série pour en entamer une autre et dans ce va et vient, chacune des séries se nourrit des autres.

Comment est née la collaboration avec SAUDADE ?

Si la nature guide mon travail, les rencontres humaines le dynamisent et le bousculent. Lorsque j'ai rencontré Christelle (fondatrice du projet SAUDADE) lors d'un projet commun à l'hôtel La Butte Plouider, j'ai senti une connexion immédiate avec l'esprit de SAUDADE, à commencer par ce dialogue entre espaces, couleur et texture. L'objet tapis m'enchante depuis toujours car il apporte l'idée de la douceur, de la rêverie, du refuge...

SAUDADE et moi partageons beaucoup de valeurs: le temps long de la réalisation, la transmission des choses qui durent, le tissage des liens humains autour de ce que l'on produit. Et pour finir, l'île d'Yeu et Lisbonne se ressemblent sur bien des choses la lumière, l'océan, la nature, l'art de profiter de la vie.

Et sont nés les tableaux-tapis SAUDADE x Marie Bathellier.

Les tapis-tableaux que j'ai imaginés sont composés d'aplats de couleurs évoquant la terre, la mer et le soleil : trois éléments essentiels. Les champs coloriels se côtoient et se juxtaposent dans un esprit architectural, avec une densité que seul le tissage artisanal permet. Par ce récit minimaliste, chacun des paysages s'invite dans nos maisons, sur nos murs. Ce sont des horizons extérieurs qui nous apaisent à l'intérieur, nous font vibrer et rêver.

Le recyclage est au coeur de ta démarche. Au-delà de l'esthétisme de ces nouveaux objets qui renaissent dans tes mains, quel message envoies tu?

J'ai depuis l'enfance collecté, transformé, crée. De manière irrépressible. Je continue aujourd'hui à me saisir de tout ce qui me saute aux yeux et à la portée de main. En ce moment je travaille une série picturale dont le matériau est une toile de tente des années 70. Elle a abrité près de cinquante étés de campings. Sa couleur bleue patinée par les UV du soleil et la lumière de la lune de toutes ces années est merveilleuse ! Préoccupons nous de ce qui est déjà là. Soyons des enchanteurs de ce qui a vécu et porte en lui l'étoffe du temps !

Tu dis de ta maison qu'elle est en constante transformation, nos intérieurs doivent-ils être vivants selon toi? 

J’aime les matériaux naturels, vecteurs d’ émotions. Je les utilise et les place donc partout autour de nous. J’aime que la maison soit à la fois apaisante et stimulante. En s’offrant un tapis ou une œuvre, on s’offre une pièce qui transforme l’atmosphère d’un lieu.

Ton tapis s’envole, il t’emmène où ? 

Quelques semaines en résidence artistique au Japon ! 

Dame tapis ou mère coussins ? 

Dame tapis ! J'aime cet espace de douceur délimité, sensuel et chaleureux. C'est à la fois une vue en plongée sur une composition et un tableau qu'on peut caresser des yeux. On pourrait vivre dans une maison totalement vide avec un tapis, un tableau et un vase à remplir chaque semaine de cueillettes sauvages. 

La question Saudadienne de la fin : l'objet chez toi qui incarnerait le mieux l'idée de la Saudade.

Plus qu’un objet, c’ est la foule de souvenirs doux, joyeux et si présents de nos années en famille avec nos enfants. C’est dans l'immatériel qu’on trouve la Saudade ultime !

LE SOLEIL DU SUD DANS UN COCON PARISIEN
LE SOLEIL DU SUD DANS UN COCON PARISIEN
Une maison à Lisbonne comme un songe en été
Une maison à Lisbonne comme un songe en été
L'oeil de l'artiste, la main de l'artisan.
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